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Mort à discrédit


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Funéraire

Quittons pour une fois l’actualité purement artisanale et allons faire un tour du côté de l’Histoire et de la liberté de la presse… Et arrêtons-nous au quotidien l’Agri, journal local qui fêtera ses 70 ans et dont nous apprécions la liberté de ton.

C’est une drôle d’histoire qui vient de s’y jouer ; nous vous la rapportons dans les termes évoqués par l’équipe de rédaction lors de la conférence de presse qui s’est déroulée ce lundi au siège du journal. René-Jean Camo, illustre personnage du monde agricole s’est éteint en fin d’année 2016. Or, celui qui avait été notamment Président de la Chambre d’Agriculture, du Crédit Agricole ou de l’association Jospeh Sauvy s’était illustré, dans la première partie de sa vie, comme milicien. Preuves à l’appui sur son rôle pendant la seconde guerre mondiale, Jean-Paul Pelras, rédacteur en chef de l’Agri avait refusé qu’un hommage soit rendu à cet homme dans le journal. C’était sans compter sur la détermination de certains acteurs de l’agriculture locale qui ont obligé la rédaction à passer un hommage dans le numéro du 8 décembre.

Dans ce même numéro, pour marquer sa désapprobation, Jean-Paul Pelras avait inséré un édito très clair intitulé « pourquoi nous ne cautionnons pas l’hommage qui lui est rendu ». L’histoire aurait pu s’arrêter là mais quatre administrateurs de l’Agri, ont décidé de démissionner, ne pouvant pas « garantir l’éthique du journal » (sic).

On entend déjà l’étrange couplet sur le respect dû aux morts pour justifier une forme de droit à l’oubli. Le respect aux morts commencera toujours par celui dû aux victimes. Ses amis auraient dû savoir que le meilleur hommage à rendre à René-Jean Camo était de le laisser s’en aller en toute discrétion et tout ce bruit aurait été évité.

Plutôt que la lecture du Docteur Destouches, nous incitons nos lecteurs à aller voir du côté de Modiano qui écrivait ces lignes bouleversantes dans Dora Bruder, l’histoire d’une jeune fille déportée : « J'ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d'hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s'est échappée à nouveau.. C'est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d'occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l'Histoire, le temps -tout ce qui vous souille et vous détruit- n'auront pas pu lui voler. ».

Sans la moindre ambigüité nous exprimons ici notre total soutien à Jean-Paul Pelras, à ses équipes, ainsi qu’à tous les administrateurs de l’Agri qui ont tenu bon dans cette triste histoire. Et n’oublions pas que le meilleur moyen de soutenir un titre, c’est encore de s’y abonner. A bon entendeur.